Ce n’était pas prévu. Ce n’était pas prévu dans le chemin de notre vie d’avoir un jour des enfants. Non.
Non la vie en avait décidé autrement. Ça a donc été un combat. Un combat de couple.
Bien évidemment au début, on nous a dit que c’était dans la tête, qu’il fallait être patients et que tout se « décoincerai » quand on y penserai plus. Que ça viendrai comme ça sans crier gare.
Mais au plus profond de moi je savais que quelque chose clochait. Je savais qu’il y avait un hic, un gros hic.
Alors j’ai fais profil bas, écoutant les autres, me disant que peut être oui c’était dans la tête.
Je n’ai jamais autant attendu d’avoir me règles. Je n’ai jamais autant acheté de tests de grossesse. Tous les mois même. Même plus encore, et certains sans en parler à mon homme. Et tous les mois, je pleurais. Seule dans les toilettes, avec ce test négatif. Et tous les mois je me consumais à petit feu. Un peu plus chaque mois.
Tout au long de ce chemin, j’apprenais que mes collègues, mes amies tombaient enceintes. Comme j’ai pu être jalouse. Comme je leur en voulais. Elles ne savaient pas la chance qu’elles avaient. Elles sont toutes tombées enceintes avant moi (ne sachant pas qu’on essayait de faire un bébé, ne connaissant pas nos difficultés, je ne voulais pas encore en parler, ne sachant pas non plus, encore, ce qui clochait), alors je mentais.
Je disais à ceux qui se demandaient pourquoi nous n’avions pas encore d’enfants, qu’on voulait encore être libres, profiter, voyager, être égoïstes en somme. Que ces mots sonnaient faux dans ma bouche quand je les prononçais tout haut. Si seulement ils savaient…
J’ai maudit toutes les femmes enceintes que je croisais dans la rue. Je trouvais ça injuste. Trop injuste. Pourquoi ? Pourquoi elles et pas moi ? Pourquoi ?
Je n’ai pas été là pour mes amies enceintes pendant cette difficile période. Je ne voulais pas faire d’efforts, enfin je ne pouvais pas. C’était au delà de mes forces. Ça me ramenais encore plus à notre réalité, à nos difficultés.
Je sais ce que le combat d’attendre un enfant signifie. Ce désir si profond qui n’arrive pas. Cette envie, qui, ne se concrétisera certainement jamais. Ces rdv chez les spécialistes. Ces examens. Ces verdicts qui font mal. Très mal. Qui d’un seul coup, vous oblige à vous imaginer une autre vie.
Je sais ce que sont tous ces tests qui font mal au corps. Toute cette bataille pré verdict. Les examens, les salles d’attente. L’attente. Cette attente interminable jusqu’au verdict final.
Ce verdict qui tombe comme un couperet. Ce verdict qui vous annonce que sans la médecine il est pour vous inconcevable d’avoir un enfant. Ces pourcentages qui sont là, écrit noir sur blanc : 35% de chance de porter un jour la vie. Qui vous heurtent de plein fouet. Qui vous assomment, vous anéantissent.
Je sais ce que c’est que de se faire piquer tous les jours. 2 fois par jour. Je me souviens encore aujourd’hui de ces douleurs si intenses. De ce mal de tête indéfinissable. De cette fatigue. De ces hormones dans mon corps qui puisaient toute mon énergie. Des pleurs. De l’angoisse. De la peur. Des prises de sang. Des innombrables échographies.
Et de ce jour tant attendu. Ce jour où on allait m’extraire ces nombreuses ovules que ces affreuses piqures avaient développées en moi.
Je sais ce que c’est que de se réveiller de l’anesthésie de la ponction ovarienne l’utérus ravagé par la douleur. Une douleur jusqu’ici inconnue.
Je sais que c’est que d’attendre des jours et des jours pour le potentiel transfert. Les jours les plus difficiles de toute notre vie. Les plus durs, les plus intenses. Attendre ce coup de fil. Coup de fil de délivrance. Coup de fil qui vous annonce que des ovules fécondées sont viables.
Je sais ce que sait que de se retrouver aux aurores dans une clinique jambes écartées devant votre spécialiste qui vous dit seringue à la main au moment du transfert que si vous étiez ses enfants elle n’hésiterai pas à réimplanter 2 ovules, alors qu’elle n’est pas pour les jumeaux. Que compte tenu de votre dossier médical, si elle était vous elle n’hésiterai pas.
J’ai connu l’angoisse à ce moment là. Le sol qui s’effondre sous mes pieds. La peur. L’inquiétude. Les questionnements. Quelques secondes seulement. Puis les larmes. Beaucoup de larmes. Et le regard de mon homme qui approuvait, comme moi, ces 2 ovules.
Et à ce moment là j’ai su. J’ai su seulement en à peine quelques secondes que ces 2 là tiendraient. Je le sentais. Je le savais. C’est comme ça. Comme je savais que quelque chose clochait depuis le début.
J’ai connu les 11 jours les plus difficiles de toute ma vie depuis le transfert. Ces 11 jours qui séparent le verdict le plus important : être enceinte ou non. Je barrais d’une croix chaque journée comme un prisonnier compte les jours dans sa cellule. Je ne mangeais plus. Je fumais. Beaucoup.
Et le verdict à sonné. Une matinée. Au bureau. Cigarette à la main dans la rue, pendue au téléphone. J’ai su.
J’ai hurlé comme je n’avais jamais hurlé de ma vie. D’ailleurs, je n’ai jamais hurlé comme ça depuis. J’étais ailleurs. Délivrée.
Je pouvais enfin connaître ce sentiment. Arrêter de pleurer tous les mois dans les toilettes. Arrêter d’acheter des tests de grossesse. Et commencer à en parler, enfin. Vraiment. A ceux qui ne savaient pas. A ceux qui se posaient des questions. Trop de questions. A ceux qui comme nous luttaient sans en parler aussi. A ceux qui avaient eu recours à une PMA.
Nous avons eu de la chance. Beaucoup de chance comparé à certains couples. 1ère FIV, 1er succès. Mais cela n’enlève en rien ce douloureux chemin que nous avons du parcourir…
[Ce billet date de 2014, année où j’ai enfin pu en parler ici, me livrer. J’ai mis du temps à mettre des mots sur ce par quoi nous sommes passés pour avoir nos enfants. Je ne me sentais pas encore la force de me livrer ici, par pudeur peut être mais aussi parce que je pense que j’en faisais un tabou.
Et puis à force de commencer à me livrer dans la vraie vie, à force de voir des amis proches vivre la même chose sans forcément en parler, à apprendre les déceptions des uns, les joies des autres, chacun dans son coin, je me suis dis que je devais en parler. Pour moi, pour eux, pour vous, pour tous.
Je repartage donc aujourd’hui ce billet, qui me touche toujours autant en le lisant, car nous sommes trop nombreux à vivre la PMA dans notre coin et qu’il est important d’en parler pour que ce ne soit plus tabou. Il est important de se rendre compte que nous ne sommes pas seuls, que beaucoup de couples passent par là, et il est aussi essentiel de partager ce long chemin avec ceux qui l’ont vécu, mais aussi avec ceux qui ne mesurent pas la chance qu’ils ont de pouvoir concevoir naturellement.
Aujourd’hui, je pense fort à tous ces couples qui sont dans l’attente, qui vivent le processus lourd de la PMA, qui luttent et y croient…]

